Yanik

Quand la FIFA ravale son beignet

En football, les parties ne sont jamais jouées d’avance et le charme de ce sport réside dans le fait qu’une petite équipe peut parfois donner du fil à retordre à un favori. Avant la compétition officielle, un collectif de femmes brésiliennes a endossé le rôle de David pour s’opposer aux règles édictées par la FIFA. Au terme du bras de fer, le pot de terre est sorti vainqueur. 

Le beignet Acarajé pourra cohabiter avec le Big Mac (Wikimedia / Arismar Fonseca)
Le beignet Acarajé pourra cohabiter avec le Big Mac (Wikimedia / Arismar Fonseca)

Fifa lex, dura lex 

Sous couvert de principes humanistes, la Fifa (Fédération Internationale de Football Association) est en réalité une redoutable machine qui n’a que faire du respect des droits humains. Cela devient une habitude, chaque manifestation donne son lot de violations de droits basiques tels que le droit au logement (populations expulsées sans indemnités), la liberté de circulation, le droit au travail…

Au Brésil, plus que jamais, l’insatisfaction se fait entendre et surtout ne cesse pas de gronder à l’approche de l’évènement. Minimisant les reproches formulés, le président de l’organisation, Sepp Blatter assurait en juin 2013 que « le football est plus fort que l’insatisfaction des gens ».  Dix mois plus tard, c’est au tour de Michel Platini (président de l’UEFA) de faire des déclarations pour le moins irresponsables : « s’ils peuvent attendre un mois avant de faire des éclats sociaux, ce serait bien pour le Brésil et puis pour la planète football ». Surtout pour la planète Fifa serait-on tenté d’ajouter.

 

Manifestation des vendeuses d'acarajé à Salvador de Bahia (Flickr / Ninja Midia)
Manifestation des vendeuses d’acarajé à Salvador de Bahia (Flickr / Ninja Midia)

 

Acarajé 1 – 0 Fifa 

Si les protestations continuent de plus belle, c’est que la population a un exemple de victoire qui pousse à la résistance. Le combat a été initié par les vendeuses ambulantes d’acarajé (un beignet à base de haricot) qui avaient pour habitude de circuler dans les travées du stade de Salvador de Bahia pour y effectuer leur petit commerce. Mais avec les règlements Fifa, impossible.

Parmi les multiples modifications de la loi brésilienne, a été imposée l’interdiction de tout commerce ambulant dans un rayon de deux kilomètres autour des stades de la Coupe du monde. Le seul moyen de subsistance de ses personnes se voit donc supprimé, et la tradition locale du beignet dans les gradins tout simplement ignorée.  

Fort heureusement, le petit collectif floué s’organise, lance une pétition et gagne vite la sympathie de l’opinion publique. Au terme de la confrontation, les bahianaises obtiennent gain de cause et  six d’entre elles pourront continuer à exercer dans la zone réservée aux sponsors officiels.

 

Petite victoire, grand symbole 

Dans ce type d’aventure à l’issue favorable, le peuple brésilien puise une source d’inspiration propre à l’indignation et à l’action. Tout comme le Cameroun pouvait venir à bout de l’Argentine du géant Diego Maradona après avoir été réduit à neuf lors du Mondial 1990, de petites gens peuvent aussi faire fléchir une des organisations les plus puissantes de la planète, à force de détermination et d’organisation. C’est aussi ça le charme du football, n’est-ce pas M. Platini ?

 


Les Basques sur les pelouses du Mondial

Bien que le Pays Basque ne dispose pas d’une sélection en compétition pour le Mondial 2014 au Brésil, des enfants de ce territoire fouleront les pelouses de la Coupe du monde de football.

 

Dans les tribunes lors de Euskadi / Venezuela en 2012 (Azkue Fundazioa)
Dans les tribunes lors de Euskadi / Venezuela en 2012 (Azkue Fundazioa)

Des basques chez les Bleus 

Comme beaucoup de jeunes de cette région, Didier Deschamps s’est d’abord adonné au rugby avant de passer au « sport de manchot » comme il est qualifié par le monde de l’ovalie. Malgré sa carrière internationale loin de ses terres d’origine, le sélectionneur des bleus n’a pas perdu notre accent caractéristique. Avant de rejoindre des équipes prestigieuses, le champion du monde 1998 frappa ses premiers ballons ronds sous le maillot de sa ville natale, Bayonne. 

C’est également sous les couleurs de l’Aviron Bayonnais que Stéphane Ruffier chaussa ses crampons d’attaquant avant de se reconvertir dans les buts. A 16 ans il est repéré par un recruteur monégasque et quitte les bords d’Adour avant d’y revenir pour un prêt en National, consenti par l’entraineur de l’ASM du moment, un certain Didier Deschamps. Désormais stéphanois, Ruffier est l’invité de dernière minute pour le Mondial, palliant à la blessure de Steve Mandanda. 

Enfin, même s’il n’est pas basque d’origine, Antoine Griezmann peut être considéré comme un basque d’adoption tant il est arrivé jeune à la Real Sociedad. Depuis 2006 dans le club de San Sebastian, il a gravit les échelons de la formation tout en poursuivant ses étude sur Bayonne. Passé pro en 2009, il est aujourd’hui un élément incontournable de l’attaque de la Real ainsi qu’un remplaçant de haut niveau sur le coté gauche du onze tricolore.

  

Le sélectionneur basque des Bleus (calciostreaming)
Didier Deschamps, le sélectionneur basque des Bleus (calciostreaming)

 

Des basques dans la Roja 

Fils de champion, Xabi Alonso a dignement marché sur les traces de son père Periko qui fut  triple champion d’Espagne avec la Real Sociedad (1981, 1982) et le FC Barcelone (1985). Né à Tolosa, le fiston a débuté sa carrière à Eibar, un autre club basque qui vient d’accéder à la première division espagnole, la Liga BBVA. Centenaire en nombre de sélections, le milieu défensif du Real Madrid  fait partie de la génération dorée du football espagnol, celle qui a remporté le triplé historique Euro 2008, Mondial 2010 et Euro 2012. 

Ayant participé à l’obtention des deux derniers titres de la Roja, Javi Martinez sera également du voyage au Brésil. Né à Ayegui en Navarre (un des sept provinces basques), le défenseur du Bayern a fièrement porté les couleurs de l’Osasuna et de l’Athletic Bilbao avant de s’envoler pour la Bavière.

Nouveau venu dans l’équipe de Vincente del Bosque, Ander Iturraspe a inauguré sa première sélection le 30 mai dernier lors du match amical de préparation face à la Bolivie. Ex coéquipier de Javi Martinez dans la cathédrale de San Mames, il est toujours pensionnaire du club de Bilbao.

Enfin, le quatuor basque est complété par l’attaquant Fernando Llorente. Né à Pampelune, c’est également à Bilbao que le buteur explose avant de rejoindre la Juventus de Turin.

 

Les enfants de la diaspora 

Grand peuple de voyageur, les basques ont pendant longtemps émigré de leur terre natale à la recherche d’un avenir meilleur. Leur destination favorite étant l’Amérique latine, il n’est pas étonnant de retrouver aujourd’hui de nombreux patronymes de consonance bascophone au sein des équipes concurrentes. Parmi eux, on peut citer l’argentin Pablo Zabaleta, le colombien Victor Ibarbo, le chilien Charles Aranguiz, l’équatorien Alex Ibarra ou encore le défenseur hondurien Emilio Izaguirre.

 

Xabi Alonso sous le maillot du Real Madrid (RCuerda29)
Xabi Alonso sous le maillot du Real Madrid (RCuerda29)

 

Une sélection basque, une utopie délirante ? 

Certains d’entre eux vous ont peut-être souri lorsque j’évoquais en introduction de ce billet, la possibilité d’une sélection basque en Coupe du monde. Bien sur, cela relève de la politique fiction à ce jour. Pourtant, une telle idée pourrait se défendre.

Le premier argument contradictoire est d’ordre juridique puisque le Pays Basque n’est pas un état et qu’il ne peut donc pas envoyer une représentation sportive lors d’une compétition internationale. Un tel cas de figure existe cependant avec le Royaume Uni dont les composantes (Ecosse, Pays de Galles, Angleterre et Irlande du Nord) participent aux différentes compétitions sportives sans pour autant être des états au sens juridique du terme. 

Admettons…mais sur le terrain ça vaudrait quoi ? Et bien, peut-être mieux que vous l’imaginez !

En effet, une sélection basque dispute des rencontres internationales et affiche de bons résultats. Pour exemple, lors de ses deux derniers matchs, Euskal Selekzioa terrassait la Bolivie par 6 à 1 en décembre 2012 et le Pérou par 6 à 0 en décembre 2013. Sur les vingt dernières années, elle accroche à son tableau de chasse des équipes de seconde zone parfois qualifiées pour le Mondial telles que le Ghana, l’Uruguay, le Nigeria, la Serbie, le Maroc…

 

A défaut de voir une sélection basque au Brésil, on suivra tout de même les exploits des ses footballeurs, qu’ils évoluent en rouge ou en bleu. Car même si le Pays Basque n’est pas invité, les basques eux, sont bel et bien là !  


Top 10 des peintres maudits

Peut-être plus que la joie, la douleur est force créatrice et l’histoire de l’art regorge de peintres dont l’œuvre est marquée du sceau de la souffrance. Torturés, ils ont quitté notre monde avant l’heure, non sans laisser derrière eux des toiles inspiratrices pour les générations futures .

 

Amedeo Modigliani

Sur la toile finesse et expressivité des portraits, dans la vie débauche et excès. L’usage abusif de drogues et d’alcool ont eu raison de la santé du peintre italien qui mourut de la tuberculose à l’âge de 35 ans.

Amedeo Modigliani "Autoportrait" 1920 (wikipedia)
Amedeo Modigliani « Autoportrait » 1920 (wikipedia)

 Frida Kahlo

Polytraumatisée suite à un accident d’autobus pendant son adolescence, la mexicaine vécut un vrai calvaire que seul un mental hors pair lui permis de surmonter. Souffrant dans sa chair, dans ses os et dans son cœur, elle succombe à 47 ans aux complications des nombreuses séquelles de l’incident.

Un autoportrait de Frida Kahlo (source: wikipedia)
Un autoportrait de Frida Kahlo (source: wikipedia)

Jean-Michel Basquiat

Durant sa courte vie, le new-yorkais d’origine haïtienne aura montré deux visages. L’un rayonnant qui lui valut le surnom de « radiant child », l’autre sombre auquel il tentait d’échapper par l’usage de drogues dures. En 1988, l’héroïne aura raison de lui, balayant à 27 ans un artiste sans pareil qui a donné au graffiti et à l’art de rue ses lettres de noblesse. 

Jean-Michel Basquiat "Dos cabezas" (wikipaintings)
Jean-Michel Basquiat « Dos cabezas » (wikipaintings)

 

Jackson Pollock

Le critique Clément Greenberg qualifiait l’art de ce peintre américain de « gothique, morbide et extrême », reflet d’un intérieur torturé et rongé par l’alcool. A l’été 1956, il prend le volant en état d’ébriété avancé et s’écrase contre un arbre. Il avait 44 ans.

Mural de Jackson Pollock, 1943 (wikipaintings)
Mural de Jackson Pollock, 1943 (wikipaintings)

 

 Keith Haring

« Ma contribution au monde est ma capacité de dessiner. Je veux dessiner autant que je peux, pour autant de gens que je peux et aussi longtemps que je peux ». Terrassé à 31 ans par le fléau du sida, l’artiste américain n’aura pas dessiné aussi longtemps qu’il le souhaitait mais la générosité de son œuvre est passée à la postérité et continue à inspirer de nombreux créateurs.

"Untitled" Keith Haring (Keith Haring Foundation)
« Untitled » Keith Haring (Keith Haring Foundation)

 

Nicolas de Staël

Dans sa frénésie, le français d’origine russe a réalisé pus d’un millier d’œuvres en quinze ans de carrière. Un besoin de créer compulsif et irrésistible pour une personnalité névrosée et au bord de l’abime. A 41 ans, il se jette par la fenêtre de son atelier d’Antibes, laissant derrière lui un travail d’un raffinement et d’une beauté inoubliable.

Nicolas de Staël "Portrait d'Anne" 1953 (musée Unterlinden)
Nicolas de Staël « Portrait d’Anne » 1953 (musée Unterlinden)

 

Vincent Van Gogh

« Mon travail à moi, j’y risque ma vie et ma raison y a sombré à moitié ». Tirée d’une correspondance, cette phrase résume à elle seule l’itinéraire tragique du génie néerlandais, torturé par la quête obsessionnelle de l’absolu. A 37 ans, il se suicide par arme à feu. 

 

Vincent Van Gogh "Autoportrait" 1883
Vincent Van Gogh « Autoportrait » 1883 (wikipedia)

 

 Paul Gauguin

C’est un des artistes qui influença considérablement l’art du XXème siècle. Au firmament du musée imaginaire français, il mourut pourtant isolé sur les îles Marquises, pauvre et oublié de tous. Des problèmes de santé à répétition finissent par l’achever en 1903 alors qu’il a 54 ans. 

Paul Gauguin "Autoportrait" (wikipedia)
Paul Gauguin « Autoportrait » (wikipedia)

Henri de Toulouse Lautrec

Atteint d’une maladie des os, le jeune Henri souffre dés son enfance et sa croissance cesse lorsqu’il atteint 1,52m. Le petit homme au physique disgracieux calme ses plaies de l’âme à coup de pinceaux, d’absinthes et de relations sexuelles dans les lupanars dont il est un fidèle pensionnaire. La fuite en avant stoppera à l’âge de 36 ans.

Henri de Toulouse Lautrec "Au Moulin Rouge" 1892 (wikipedia)
Henri de Toulouse Lautrec « Au Moulin Rouge » 1892 (wikipedia)

 

Arshile Gorky

Né en Arménie, Gorky émigre aux Etats-Unis à l’âge de 16 ans. Artiste bohême, il rencontre un réel succès dés la fin des années 1930. Rattrapé par le malheur, le succès ne sera pas éternel. Au cancer, s’ajoute en 1947 l’incendie de son atelier, un grave accident d’auto et une séparation avec sa femme. Trop pour un seul homme qui décide alors de se pendre à 44 ans.  

Arshile Gorky "The liver" (wikipedia)
Arshile Gorky « The liver » (wikipedia)


A vos shoes, prêts, créez !

Dans le cadre du festival des Vibrations Urbaines, la ville de Pessac organise une exposition de Street Art du 16 au 26 octobre prochain. Les artistes sélectionnés pour cet événement seront choisis à l’issue d’un concours actuellement ouvert aux candidatures. A vos shoes, prêts, créez !

 Un-Monde-Pour-Mes-Shoes_Vibrations-Urbaines

Après l’exploration de la rue sous tous ses angles l’an passé, il faudra encore garder les semelles sur le bitume pour le nouveau thème intitulé « Un monde pour mes shoes ». Âgé entre 18 et 35 ans, tout candidat résidant en France métropolitaine a jusqu’au 17 juin pour adresser son dossier dans lequel il devra joindre les photos de cinq œuvres déjà réalisées.

Un jury composé de six professionnels de l’art urbain tranchera parmi les concurrents pour ne retenir que quinze d’entre eux qui auront le privilège de réaliser une œuvre centrée autour de la chaussure. Exposées à Pessac pendant le festival des Vibrations Urbaines, les productions seront soumises au vote du public et des jurés pour désigner trois lauréats qui se partageront la dotation du concours.

 

Si l’œuvre d’art est parfois un caillou dans la chaussure, les rôles seront cette fois modifiés et ce sera à la chaussure d’être le sujet de l’œuvre d’art. Observée, sublimée, créée, fantasmée, libre cours à l’imagination de l’artiste, qu’il ou elle soit en baskets, en babouches, en sandales, en espadrilles, ou bien pieds nus.

 

https://www.youtube.com/watch?v=dA8DsUN6g_k

 


José Mujica, successeur de Madiba

On nous l’a dit, on nous l’a répété, après Nelson Mandela : le néant. Fini le temps des leaders charismatiques aux idéaux universels, capables de mobiliser les foules dans un souci de justice et d’égalité. Le 20e fut le siècle des Luther King, Mandela et autres Gandhi, le 21e appartient aux technocrates, aux politiciens blafards et aux financiers avides, tous prosternés devant les lois de l’ultra libéralisme.

Pourtant des têtes et des pensées divergent et, malgré l‘agitation médiatique, demeurent étrangement écartées de la lumière des projecteurs. Parmi elles, le président de l’Uruguay, José Mujica, un chef d’Etat dont il n’est pas dur de comprendre pourquoi nos politiciens ne le citent jamais en exemple. 

José Mujica (source: wikipedia)
José Mujica (source : Wikipedia)

Un terroriste à la présidence

Tout comme l’ancien président sud-africain, le natif de Montevideo fut longtemps considéré comme un terroriste. Membre de la guérilla urbaine des Tupamaros, il participe dans sa jeunesse à des actes de résistance (vols, sabotages…) ayant pour but de se défendre contre les milices d’extrême droite et d’établir une société plus juste et égalitaire. 

Capturé par la dictature militaire aux commandes du pays, Mujica se retrouve emprisonné de 1973 à 1985. Un traitement particulièrement sordide lui est réservé pendant son enfermement, à base de tortures et d’isolement, dont deux années passées au fond d’un puits. Loin d’attiser en lui la haine, ces conditions de vie ne vont pas abattre le militant dont les messages de paix et de partage trouveront un écho grandissant à sa libération. Fondateur du MPP (Mouvement de participation populaire), il gravit un à un les échelons des responsabilités politiques ; député, sénateur, ministre de l’Agriculture puis président du pays.

 

Une modestie à toute épreuve

Son accession à la plus haute magistrature ne changera pas son mode de vie. La simplicité est toujours de rigueur : il déserte le palais présidentiel pour continuer à vivre dans sa ferme, il se déplace sur son scooter Vespa ou dans sa Coccinelle Volkswagen quasi trentenaire. Question vestimentaire également, pas de chichis. Ses détracteurs raillent ses bottines usées, mais il se moque du protocole et se refuse à porter la cravate même dans les sommets de chefs d’Etat.

Ainsi sont les personnages charismatiques, ils ne se mettent pas en lumière, la lumière vient à eux. Et lorsque son pays de trois millions et demi d’habitants est cité en exemple, il garde les pieds sur terre et laisse l’entier mérite à son peuple, expliquant que la bonne santé économique de l’Uruguay est due « non au gouvernement, mais aux gens qui y travaillent ».

 

Mujica avec l'ancien président brésilien Lula (source: wikipedia)
Mujica avec l’ancien président brésilien Lula (source: Wikipedia)

 

Le peuple d’abord

Tout dans l’action du fils de fermier est guidé par une idée directrice : l’intérêt général. Au bout de sa démarche de partage, deux mesures fortes et hautement symboliques forcent l’admiration.

Il l’avait promis, il l’a fait : il reverse 90 % de son salaire de président à des œuvres caritatives, ne conservant pour lui que l’équivalent du revenu moyen uruguayen. Loin des profiteurs qui abusent du pouvoir pour accroitre leur patrimoine personnel, l’altruisme du cultivateur de fleurs (sa profession) lui a valu le qualificatif de « Président le plus pauvre du monde ». Face à ce titre décerné par les médias, il cite Sénèque : « Le pauvre n’est pas celui qui a peu , mais celui qui veut beaucoup »

Enfin, ému par la mort de cinq sans abris durant l’hiver 2011, le président a pris le problème à bras le corps en faisant élaborer une liste des bâtiments publics disponibles pour l’accueil des personnes démunies en cas de saturation des foyers d’hébergement d’urgence. Dans cette liste, il a fait cocher le Palais présidentiel qu’il n’occupe pas et souhaite ainsi offrir aux nécessiteux en cas de besoin.

 

Une vision progressiste

S’appliquer à lui-même les préceptes de sa politique, voilà la force de celui qui critique sans cesse les dérives du capitalisme et de la société de consommation.

Mais au-delà de cette philosophie, l’homme a réussi la prouesse de réformer un pays ultra conservateur sur des questions sociétales telles que l’avortement et le mariage. Non sans douleur, une loi qui dépénalise l’avortement dans certaines conditions est finalement adoptée en octobre 2012 par les députés uruguayens. Six mois plus tard, en avril 2013, c’est au tour du mariage d’être ouvert aux personnes du même sexe.

Autre sujet sur lequel Mujica adopte une position avant-gardiste : la drogue. Il prône la légalisation de la production et de la vente de cannabis qui deviendraient ainsi un monopole d’Etat. Face à l’échec des politiques de répression exercées dans d’autres pays d’Amérique latine (Colombie, Brésil, Mexique), sa solution audacieuse vise à couper l’herbe sous le pied des trafiquants et ainsi éradiquer ce marché noir et la criminalité qui en découle. Après de longs débats, la loi a été promulguée au début du mois.

Atypique dans son style et par ses actions, José Mujica constitue un poil à gratter pour l’élite gouvernante. Si certains le qualifient de populiste, on ne peut qu’être admiratif devant ce révolutionnaire qui a payé de sa personne pour défendre ses idées et qui, une fois arrivé au sommet, s’est attaché à rester exemplaire.

Fidèle à ses convictions, il ne se sert pas de sa fonction pour le prestige et les passe-droits mais uniquement pour servir le peuple, ne galvaudant pas ainsi les principes de la démocratie.  Conformément aux dispositions de la constitution uruguayenne, il ne sera pas candidat à sa propre succession à l’automne prochain. Le monde perdra alors un sincère et attachant dirigeant, à classer sans aucun doute dans la catégorie des Grands Hommes.

 

 


La Côte d’Ivoire, l’autre pays du reggae

Né en Jamaïque, le reggae est sorti de son île à la fin des années 1970 avec l’émergence sur la scène internationale d’un certain Robert Nesta Marley. Présente aujourd’hui sur tous les continents, c’est peut-être en Afrique (en dehors des Caraïbes) que cette musique est la plus vivace et la plus ancrée dans la culture collective. Mon récent séjour en Côte d’Ivoire n’a fait que confirmer cette impression.

Bob-Marley_Legend_Pochette

Une scène pléthorique

Quand on parle de reggae ivoirien, on pense forcément aux deux stars qui ont largement franchi les frontières du pays. La première d’entre elles est Alpha Blondy, sans aucun doute celui qui a donné ses lettres de noblesse au reggae du continent. Après plus de trente ans de carrière, le sexagénaire continue de produire des albums et remplit salles et stades aux quatre coins du globe. Ses chansons font partie du répertoire national et il n’est pas rare de les entendre dans un taxi abidjanais ou un café bassamois.

L’autre monstre sacré n’est autre que Tiken Jah Fakoly. Le résident bamakois souvent en opposition avec son aîné précité jouit d’une forte popularité au pays, en particulier grâce à ses actions en faveur de l’éducation.  A l’instar de ses compatriotes Magic System, il s’investit dans diverses œuvres, notamment par le biais de sa campagne « un concert une école » qui permit la construction de plusieurs lieux d’apprentissage du savoir.

Tirée par ces deux locomotives, une riche scène compose et chante avec des artistes confirmés comme Ismaël Isaac, Serge Kassy et Béta Simon, ou plus jeunes tels que Jim Camson, Light Soljah, Kajeem, Hamed Farras…

 

Le souvenir de Bob Marley

Ici, le jour du décès de l’icône jamaïcaine est commémoré avec une ferveur surprenante. Chaque année, le 11 mai fait l’objet de rassemblements populaires chaloupant la foule au son du rythme binaire. Le week-end dernier ne fit pas exception à la règle et c’est au Central Park de Cocody que le plus gros évènement était organisé avec une dizaine de formations à l’affiche.

Pour ceux qui ne se rendent pas au concert, impossible de réchapper à l’anniversaire. Partout dans la rue, sur les marchés, dans les boutiques et les bars, les notes rasta s’écoulent paisiblement. D’Abidjan à Grand Bassam, le ballet des voitures débordantes de têtes et de bras déverse un flot de jeunesse sur les plages. Sur le sable ou en terrasse, hommes et femmes vibrent et chantonnent les paroles de la légende Bob dont le message humaniste reste plus que jamais d’actualité.

Cet héritage musical et philosophique trouve un écho particulier au pays des éléphants. Ici plus qu’ailleurs, entendre le public reprendre des messages de paix et de fraternité constitue sans nul doute la plus belle commémoration que l’on puisse offrir au grand Marley. 

https://www.youtube.com/watch?v=Oysn_pRMukQ

 


Le jour où le Smartphone trépassa

Il était un fidèle compagnon. Toujours prés de moi, dans les joies et dans les peines, pour les moments durs ou agréables. Du matin au soir, il savait capter mon attention ; je lui parlais, je l’écoutais, je le regardais, je le caressais…

Comme tout être, toute chose a une fin et un jour. Un jour, il éteignit ses dernières lumières après de longs mois d’intenses activités. 

 

Salvador Dali "Téléphone homard" (©Gala-Salvador Dali Foundation)
Salvador Dali « Téléphone homard » (©Gala-Salvador Dali Foundation)

L’occasion de décrocher

La première réaction de l’accroc que j’étais devenu devait m’imposer de courir à la boutique du coin pour obtenir un suppléant et ainsi combler le manque crée par cette soudaine disparition. Un emploi du temps chargé m’en empêcha…fort heureusement ! 

Après une période de sevrage estimée à quarante huit heures, l’esprit retrouva ses esprits et son mode de fonctionnement adapté à l’assimilation et à la bonne réalisation des tâches.

Plus d’attention détournée par une alerte à l’importance toute relative, fini le strabisme aigu vers ce petit écran en quête d’une nouvelle ou d’une interaction. Sans cet appareil, force est de constater que les journées de travail sont bien plus performantes, sans ces perturbations minimes mais récurrentes dont les utilisateurs sont les victimes complices.

 

Une absence bénéfique

En guise de remplaçant, je me contente désormais d’un téléphone dont la fonction première (et quasi unique) consiste à émettre et recevoir des appels et textos. « Mais comment fais-tu ? » s’exclame un ami devant ce retour en arrière quant à ma connectivité permanente.

Il est vrai que nous vivons dans une époque où l’on peut tout faire, en tous lieux et à tous moments mais où finalement beaucoup de monde n’en fait rien. Une hyper orgie digitale que peu d’internautes utilisent à des fins constructives. Alors oui ! Je ne me rue plus sur ce petit écran dés que je dispose de cinq minutes d’oisiveté. Quant au temps à tuer durant la pause méridienne ou dans les transports, il est remis à profit pour de la lecture, la vraie. Pas de celle qui enfile les messages de moins de cent quarante caractères comme elle regarde les voitures défiler sur une autoroute. Une nourriture plus consistante, de papier et d’encre, plus lente et au final bien plus enrichissante.

 Si c’est un luxe d’avoir le web à portée de main, il est encore plus appréciable de s’en restreindre l’utilisation dans un but d’optimisation. Un petit tour sur la toile en fin de journée afin de ne pas être totalement déconnecté m’a permis de gagner en efficacité. Pas de pertes de temps à lire des statuts, des notifications ou des mails insignifiants. Droit au but le clic regorge d’assurance et se dirige vers les territoires prioritaires. Ainsi se fait la sélection, naturellement.

 

La survie sans le couteau suisse des années 2010 est donc possible, et même préférable. Mais les tentations de succomber aux charmes du Pharmakon (à la fois remède et drogue) ne manquent pas. Pour l’instant, mon esprit résiste…jusqu’à la prochaine rechute.

 


Au Brésil, avant de compter les buts on compte les morts

« Parapapapapapapapa » chantaient les rappeurs brésiliens Cidinho e Doca dans leur tube mondial pourtant interdit de diffusion au Brésil:  « Rap das armas ». A travers cette onomatopée, les paroles du duo n’avaient rien de festif puisqu’elles narraient les coups de feu lors d’affrontements entre policiers et trafiquants dans les favelas.

Drôle de danse à Copacabana (afp.com/Christophe Simon)
Drôle de danse à Copacabana (afp.com/Christophe Simon)

 Le chant des armes

Fréquente dans le pays, ce type d’expédition des forces de l’ordre eut lieu lundi 21 avril dans la soirée à Pavao-Pavaozinho, une favela située sur les hauteurs de la mythique plage de Copacabana. Venues pour traquer un trafiquant connu sous le surnom de « Pitbull », les troupes d’intervention ont fait une innocente victime de vingt-cinq ans. Voulant se soustraire aux échanges de tirs, le jeune homme s’est dissimulé dans une crèche où l’on retrouvera son corps inanimé quelques heures plus tard. 

A l’annonce de ce décès, le foyer s’embrase. D’autant plus que le défunt est une fierté du quartier, danseur du programme dominical Esquenta, diffusé sur TV Globo. Si selon le rapport officiel, la mort pouvait être occasionnée par une chute, la version des habitants est bien différente. Selon eux, Douglas Rafael da Silva Pereira serait tombé sous la pluie de coups distribués par les agents de l’UPP, l’unité de police pacificatrice bien mal nommée en l’occurrence. 

Le sang, les larmes

En réaction à cette injustice, de violentes émeutes éclatèrent le lendemain, vite matées par la police épaulée par des troupes d’élite. Bilan : Mateus, un jeune déficient mental de vingt-sept ans est tué d’une balle dans la tête.

Si le calme semble revenu dans le quartier, il n’est pas sûr qu’une telle issue soit de nature à pacifier les esprits. Dans un pays qui a tout misé sur la sécurité pour réussir le pari de la future Coupe du Monde de football, l’épisode de ce début de semaine est le symbole de l’inefficacité d’une telle politique.

Malgré la présence musclée des forces de l’ordre, Rio a connu une augmentation de 27 % du taux d’homicide en 2013. Une violence qui, aux yeux des politiques, doit être contenue coûte que coûte entre le 12 juin et le 13 juillet, période au cours de laquelle les yeux du monde entier seront braqués sur le pays. Au prix (et au mépris) de quelques vies s’il le faut…

 RIP Douglas et Mateus.

 

 

 


Quand les chats sont gris

Anselm Kiefer "Ordres d la nuit" (www.guggenheim-bilbao.es)
Anselm Kiefer « Ordres de la nuit » (www.guggenheim-bilbao.es)

Quand les chats sont gris,

Rues désertes, plus de bruit,

Souffle la brise de la nuit,

Brise le souffle de l’ennui.

Volupté, brillants dans les cieux,

Ici bas, poudre aux yeux.

Chargée d’espoir et de rêves,

Le réel en pause, trêve.

 

Songes inconscients et purs,

Amours enlacés, épris.

Prédation, desseins obscurs,

Vanité, appétits à tous prix.

 

Quand les chats sont gris,

L’humain travesti ?

Vrai, faux ! Sérieux, folie !

Douces aventures, insomnies…

Liste des œuvres apparaissant dans le diaporama:

Musique: Hi Cowboy « Ne pas dormir »

1- William Bouguereau : La nuit, 1883

2- Edward Robert Hughes: Night with her train of stars, 1906

3- Edvard Munch : Starry night

4- Harald Sohlberg: Winter nigt in the mountains, 1914

5- Vincent Van Gogh : La nuit étoilée, 1889

6- Dario de Regoyos y Valdes: La concha, night time, vers 1906

7- Tom Roberts: Going home, vers 1889

8- William Orpen : night n°2, 1907

9- Paul Gauguin : Café de nuit, à Arles

10- Edward Hopper : Oiseaux de nuit, 1942

11- Georgia O’Keefe: City night

12- Maria Helena Vieira da Silva : Paris, la nuit, 1951

13- Oscar Bluemner: American night, red glare

14- Michael Andrews : All night long, 1963-64

15- Max Ernst : Au rendez-vous des amis, 1923-24

16- Paul Delvaux : Phases de la lune, 1939

17- Max Beckmann : La nuit, 1919

18- Gerardo Chavez: The other face of the night, 1964

19- Joan Miro: Nocturne, 1940

20- Paul Jacoulet : Nuit de neige, Corée, 1950

21- Anselm Kiefer : Ordres de la nuit, 1997

22- Ferdinand Hodler : La nuit


Championzé

Il fut le premier africain champion du monde de boxe. Il était aussi français puisque né à Saint-Louis dans un Sénégal partie de l’empire colonial appartenant à Paris.

La mémoire hexagonale a retenu les gloires du noble art que sont Georges Carpentier, Marcel Cerdan et autres frères Tiozzo. Malgré son palmarès et son histoire hors du commun, Battling Siki n’a pas eu droit à tant d’honneur et l’œuvre d’Eddy Vaccaro et Aurélien Ducoudray vient réhabiliter son bon souvenir.

Championzé-Couv

Tout commence au début du 20e siècle, lorsque le jeune garçon se voit proposé d’embarquer à bord d’un navire. Le premier tournant de sa vie transforme alors Amadou en Louis, prénom bien plus convenable aux oreilles et aux bouches européennes. De singe savant destiné à amuser la galerie au sacre mondial des rings, l’aventure extraordinaire de Battling Siki le mènera de Saint-Louis à New York en passant par Marseille, Paris, Amsterdam ou Bruxelles…

Un itinéraire passionnant sur fond de colonialisme et de brimades racistes permanentes. Une époque merveilleusement bien crayonnée par le travail en bichromie de l’illustrateur et servie par un scénario orienté en documentaire d’enquête avec des enchaînements de faits historiques et de témoignages.

Les premiers pas en France, p31
Les premiers pas en France, p31

Une histoire et un personnage incroyable, auxquels les auteurs rendent un bel hommage nécessaire. Car si son nom n’est pas resté gravé dans le marbre, inutile d’aller chercher bien loin la raison, la même qui valut les attaques immondes dont fut récemment victime la garde des sceaux, Mme Christiane Taubira. Un hommage nécessaire, je vous disais… 

 

Championzé

Scénario : Aurélien Ducoudray

Illustration : Eddy Vaccaro

Editeur : Futuropolis

128 pages

Le sacre mondial en 1922, p 91
Le sacre mondial en 1922, p 91