Du palais de Bokassa au château Henri IV
Quand les courants de l’Oubangui portent aux pieds des Pyrénées
Etudiant étranger en architecture, Mélaine débarque en terre béarnaise en 2004 afin d’y achever son cursus universitaire. Initialement prévu pour une durée d’un an, son séjour temporaire s’est transformé en projet de vie familial et professionnel.
Né dans un pays qui tire son nom de sa situation géographique, au cœur de l’Afrique, le futur architecte a vu le jour et fait ses premiers pas à Bangui dans la capitale de la Centrafrique. Peu peuplée, l’ancienne colonie connue sous le nom d’Oubangui-Chari du temps de l’Afrique équatoriale française, est dirigée depuis une ville de plus de 600.000 âmes à la forte densité de 9295 habitants au kilomètre carré. Dans cette cité qui fait face au voisin congolais, le banguissois réalise sa scolarité et y décroche le baccalauréat au crépuscule du deuxième millénaire.
Un banguissois en Afrique de l’Ouest
Le précieux sésame en poche, il s’envole pour le Togo afin d’intégrer l’école africaine des métiers de l’architecture et de l’urbanisme (EAMAU), et l’arrivée à Lomé est un véritable choc pour l’homme de l’intérieur, confronté pour la première fois à la mer.
La capitale togolaise sera son lieu de résidence six années durant et lui permettra de visiter les voisins de la sous région ; le Bénin, le Burkina-Faso et le Ghana. Par ces voyages, l’étudiant note des différences notoires entre les pays d’Afrique centrale et occidentale. « Les pays d’Afrique de l’Ouest sont nettement mieux organisés, notamment par le biais de la CEDEAO» assure-t-il et, bien qu’ils aient « moins de ressources naturelles, ils parviennent à mieux valoriser leurs richesses ». Un constat qui n’est pas sans laisser une pointe d’amertume dans le discours de Mélaine lorsqu’il avoue qu’ « au milieu des années 1970, la RCA était plus développée que ces états qui ont largement progressé depuis alors que pour nous… ».
Parmi ces états parcourus, le Ghana a particulièrement retenu son attention. Ce pays est largement « en avance sur ses voisins, son développement économique impressionnant et ses infrastructures n’ont rien à envier à certains états européen ».
Une bourse universitaire en guise de visa pour la France
Au terme de ses études, le centrafricain apprend qu’un appel à projet est lancé par l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF). En préparant son dossier de candidature, il recherche un établissement d’accueil, condition pour l’attribution de la bourse. L’université qui répondra favorablement à sa demande est celle de Pau qu’il rejoindra en 2004 pour suivre un enseignement d’un an en Master II recherches. Mais le Master se transformera en Doctorat et le séjour se prolongea le temps de préparer une thèse basée sur la problématique de la place du patrimoine culturel dans l’aménagement urbain.
Dans le piémont pyrénéen, le chercheur trouve les conditions idéales pour ses études, il y rencontre aussi l’amour et se marie avec sa dulcinée au cours de l’année 2008.
Désormais ancré dans son environnement palois, le chef d’entreprise n’en oublie pas pour autant ses origines et se rend régulièrement en Centrafrique, pour laquelle il ne tarit pas d’éloges. « C’est un beau pays où il fait 26 degrés tout au long de l’année » commence-t-il par déclarer avant de s’enthousiasmer sur la diversité culturelle que l’on y rencontre. « Il y a des particularités dans chaque région, mais elles ne sont pas valorisées par manque de moyen ». A titre d’exemple il cite les traditions du peuple pygmée Aka vivant dans le sud du pays, dont la polyphonie est classée au patrimoine mondial de l’Unesco.
Déformation professionnelle oblige, l’architecte est également sensible au contraste dégagé par la coexistence des bâtiments coloniaux et de l’habitat local, qui donne à Bangui un charme particulier.
Rébellion, souffrance et…espoir
Sa dernière visite datant du mois d’octobre dernier, impossible de ne pas évoquer avec lui la période trouble qui secoue le pays depuis plusieurs semaines. A cette époque la rébellion était déjà en marche « mais les gens sur Bangui ne se rendaient pas compte de son importance. On ne savait pas que les rebelles étaient si proche de la capitale ». Il est vrai que les médias sont très contrôlés dans ce pays qui ne brille pas par la liberté d’expression de ses journalistes. Un manque d’information envers des populations totalement prises en otage par des troupes qui asphyxient le pays. Comme nous l’explique Mélaine, « les axes routiers sont limités, et il est très facile avec peu d’hommes de bloquer toute circulation ». Les hommes, les biens, plus rien ne peut bouger et c’est toute l’économie nationale, déjà peu florissante, qui se trouve paralysée.
Malgré cet état de fait peu encourageant, l’habitant des Pyrénées Atlantiques garde un espoir entretenu par les accords de Libreville conclus en janvier entre les diverses parties du conflit. Un premier ministre issu du consensus y a été nommé en vue de constituer un gouvernement d’union nationale et, bien que la cohabitation soit loin d’être aisée, le plus important demeure de retrouver une stabilité politique afin que la paix s’installe. Une pacification indispensable à toute activité économique et qui permettrait à la Centrafrique de pouvoir enfin prendre son envol.
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