Yanik

Rioja, Alcorta, Crianza 2009

Avec ce nouveau flacon, on poursuit l’exploration des vins de Rioja dont les bonnes surprises se succèdent, parfois à des prix qui renforcent le plaisir.

(photo de l'auteur)
(photo de l’auteur)

Le premier contact visuel offre au regard de brillants reflets cerises au sein d’une robe claire annonciatrice d’un vin plutôt léger pour cette appellation d’outre Pyrénées.

Dans les narines, les effluves sont classiques pour cette production fondée à 100% sur des vignes de cépage Tempranillo. Le fruit rouge domine le nez, accompagné par le bois dont la présence est justifiée par un vieillissement d’une année en tonneaux de chêne.

Le passage en bouche inonde le palais d’arômes forestiers parmi lesquels les fruits des bois. Ces impressions premières sont ensuite emportées par des notes de vanille et de douces épices.

La finale affiche une longueur surprenante, prolongeant le plaisir de façon persistante et étonnante pour un corps aussi léger.

Vin agréable et facile d’accès, ce crianza des bodegas Alcorta est le partenaire idéal pour un repas convivial entre amis. Il saura être apprécié des connaisseurs comme des novices, des hommes comme des femmes, le tout pour un rapport qualité/prix très attractif (4-6€).


Théâtres et cafés au musée Paul Dini

Jusqu’au 8 février 2015, le musée Paul Dini de Villefranche-sur-Saône se penche sur les lieux de divertissement que fréquentaient les citadins cent cinquante ans en arrière. Une exposition focalisée sur la ville de Lyon, reflet de la vitalité artistique du moment.  

Albert Maignan "Adagio Appassionato", 1904  (photo de l'auteur)
Albert Maignan « Adagio Appassionato », 1904 (photo de l’auteur)

 

Au tournant du 20e siècle, la vie culturelle et intellectuelle lyonnaise n’a rien à envier à la capitale, nous affirme le fascicule de l’exposition. Témoins de ce bouillonnement, témoins de leur temps, les artistes contemporains ont accompli un prolifique travail attestant ce propos. En rassemblant des œuvres de divers horizons, le musée Paul Dini nous immerge dans une belle époque où l’art régit les codes de la bonne société.

Entre 1840 et 1930, les cafés et théâtres se multiplient dans la ville, devenant les incontournables de la vie citadine. On s’y croise, se rencontre et l’on se doit d’y être vu. Balayant le vaste panel de ces endroits, l’exposition nous mène de bars en opéras, de salles de bal en vestiaire de danseuses. Extrêmement riche le parcours circulaire à l’étage promène le visiteur dans les divers décors au travers des années et des styles.

Albert André "A l'affût", 1912 (photo de l'auteur)
Albert André « A l’affût », 1912 (photo de l’auteur)

 

Dans les cafés, on se parle, on rêve ou l’on tue le temps. Dans cette section, les pastels signés Henriette Deloras ne laissent pas indifférents, dans un style qui rappelle celui de Kees van Dongen. Le natif de Lyon, Albert André, est largement représenté avec des scènes de café, de restaurants, mais aussi avec des huiles dépeignant le thème favori d’Edgar Degas ; les danseuses.

Plus loin dans la visite, on observe les bals auxquels participe l’élite, un siècle plus tard on revit sur les toiles les ballets et autres œuvres musicales depuis la salle ou dans les coulisses. De ce point de vue, une des pièces les plus passionnantes est sans doute celle d’Albert Maignan sur laquelle on épie le compositeur Gabriel Pierné, totalement imprégné par sa création jouée quelques mètres plus bas.    

Au cours de la boucle, on croise aussi de nombreux musiciens ainsi que des affiches de spectacles, de différentes époques. A la fin de la période appréhendée, le music-hall fait rage et les œuvres inspirées par cette tendance font preuve d’une grande modernité notamment sous les pinceaux de Pierre Combet-Descombes ou par le graphisme d’Emile Malespine largement influencé par le courant Bauhaus.

 

Jules Flandrin "La Pavlova et Nijinski", 1909 (photo de l'auteur)
Jules Flandrin « La Pavlova et Nijinski », 1909 (photo de l’auteur)

  

Une partie consacrée aux décors de bâtiments publics laisse un peu circonspect. Si la présence de travaux préparatoires pour un théâtre ou un musée parait totalement appropriée, la cohérence est plus discutable lorsqu’il s’agit d’études pour un tribunal ou une université…

On ne pouvait pas terminer la ronde sans un moment dédié à la star locale ; Guignol. Mais tout ne s’arrête pas sur le célèbre bouffon car au centre du cercle, un espace médian accroche des œuvres, dont certaines de grand format, reprenant les thèmes évoqués. Un véritable bouquet final, explosif. L’œil y est chatouillé par les couleurs vives de Jacqueline Marval, puis adouci par les lignes fluides de Jules Flandrin. Enfin, comment ne pas s’attarder devant ce « Pierrot jouant de la mandoline » d’un irrésistible romantisme ? La science de la lumière et la maîtrise du drapé de Léon Comerre laissent admiratif.

L’exposition savamment orchestrée se veut un hommage à une époque dorée, mais malgré les décennies qui nous séparent des artistes affichés, elle devient à son terme une belle incitation vers la sortie, l’ouverture et la rencontre.     

Léon Comerre "Pierrot jouant de la mandoline", 1884 (photo de l'auteur)
Léon Comerre « Pierrot jouant de la mandoline », 1884 (photo de l’auteur)

 

Théâtres et Cafés

Musée Paul Dini, 2 place Faubert, 69400 Villefranche- sur-Saône

Entrée: 5€ en plein tarif, avec accès à l’accrochage de la collection permanente du musée

 


L’autocritique du bodybuilder

« Martial Cherrier : du corps rêvé au corps de rêve ? », ainsi est baptisée l’exposition qui se déroule jusqu’au 29 novembre au Passage Sainte Croix à Nantes. Parcours d’un bodybuilder sur le chemin de la repentance. 

Martial Cherrier "Planche abdominaux"
Martial Cherrier « Planche abdominaux »

Avant de découvrir le travail de Martial Cherrier, je m’attarde dans le patio de cet ancien prieuré bénédictin, transformé en lieu d’expositions et d’échanges. Vieilles pierres et ardoise y cohabitent de bien belle manière avec des charpentes métalliques et du béton brut. Au cœur du centre historique de Nantes, ce pari architectural réussit un parfait mélange entre patrimoine et modernité, un symbole à l’image de toute la ville.

Après l’observation du bâtiment, il est temps de s’intéresser à l’humain, et plus précisément à son enveloppe charnelle, obsession de l’artiste représenté ici. Malingre à l’adolescence, l’apprenti boulanger décide alors de soulever la fonte. Sa pratique intensive de la musculation n’est pas dénuée de réflexion sur ce qu’il considère comme une expression artistique, son corps en étant l’œuvre. Sans marteau ni burin, mais à coups d’haltères et de régimes draconiens, il sculpte et dessine les lignes de sa silhouette, insatiable.

Dans la série « Hérédité », il se met en scène aux côtés de son père et de son fils. On comprend vite que le combat est perdu d’avance. Mince il était, mince il redeviendra. L’anomalie qu’il constitue aujourd’hui dans la lignée familiale s’estompera dans le temps.

Dans ce même esprit, des découpages de culturistes auxquels des ailes de papillons sont accolées rappellent la dimension éphémère de ces créatures.

Martial Cherrier, série  "Mask Therapy" 2012
Martial Cherrier, série « Mask Therapy » 2012

 

La deuxième salle s’avère encore plus critique envers la passion qui anime sa vie. Une installation composée d‘un miroir suspendu à une barre de musculation nous renvoie à notre propre image, au rôle prépondérant de ce qu’elle dégage. Autour de cette interrogation, cachets, gélules et aliments diététiques se retrouvent en photographies ou sur des photomontages, comme autant de sacrifices à subir dans cette quête du Graal.

Lucide sur le statut passager de sa masse, Martial Cherrier nous démontre comment la volonté humaine peut influer sur le cours de la vie…avant que la nature se reprenne ses droits.

 

« Martial Cherrier : du corps rêvé au corps de rêve ? »

Passage Sainte Croix, 9 rue de la Bâclerie, Nantes

Jusqu’au 29/11/2014

Entrée libre  


Lieu Unique et ligne hétéroclite

A Nantes, le Lieu Unique met à l’honneur l’expression artistique primaire : le dessin. Au travers d’une exposition intitulée « Fragments de l’inachevé », on peut y admirer jusqu’au 9 novembre, des talents qui démontrent que cette pratique première a encore de beaux jours devant elle.   

Vue de l'exposition "Fragments de l'inachevé" au Lieu Unique (photo de l'auteur)
Vue de l’exposition « Fragments de l’inachevé » au Lieu Unique (photo de l’auteur)

Quand j’ai dit que je me rendais à Nantes, on m’a immédiatement répondu : « tu vas manger des petits beurres ! ». En effet, il n’y a pas plus lié à l’image de cette ville que le célèbre  rectangle doré. Ce que je ne savais pas, c’est que l’ancienne usine de biscuits est devenue un centre culturel. Les initiales LU (pour Lefèvre-Utile) signifient désormais Lieu Unique, un bouillonnant point de rencontre et de mélange. Théâtre, danse, concerts, expositions s’y déroulent tout au long de l’année dans un bâtiment qui abrite également un bar, un restaurant, une librairie, une boutique, un hammam et une crèche. Le genre de spot qu’on rêverait tous d’avoir près de chez soi !

La Tour LU, la face visible de l'iceberg (photo de l'auteur)
La Tour LU, la face visible de l’iceberg (photo de l’auteur)

 

Après la phase de découverte, je gravis l’escalier pour pénétrer dans l’espace investi par l’exposition « Fragments de l’inachevé ». Première surprise, l’accueil est fort agréable, assuré par un médiateur exerçant sa tâche au mieux. En introduisant le contexte d’une part, puis en répondant aux questions sur un sujet qu’il maîtrise sur le bout des doigts. Une véritable médiation, bien loin de certains plantons qui se cachent derrière leur écran d’ordinateur pour tuer le temps.   

Je me vois alors expliqué que l’exposition vient de Lausanne où elle se tint dans un hangar de locomotives abandonné, voué à destruction pour ériger un musée des beaux-arts. Contre cette volonté des pouvoirs publics, l’association Visarte se leva pour exprimer son souhait de voir promus des artistes vivants. Et ceux-ci ne manquent pas sur la scène suisse, preuve en est cette compilation provenant d’une soixantaine de dessinateurs, parvenue jusqu’au bord de Loire.

Quelques pièces de Richard Aeschlimann (photo de l'auteur)
Quelques pièces de Richard Aeschlimann (photo de l’auteur)

 

Disposés sur de grandes planches, sous verres, les crayonnages démontrent l’extrême variété du domaine du dessin. L’acte que nous avons tous pratiqué enfants, prend des formes inattendues. Du classique au novateur, du figuratif à l’abstrait, il se déploie en utilisant des techniques variées. Mine de plomb, fusain, pastel, aquarelle, stylo, plume, feutre, fil, encre de Chine, trous…autant de moyens de s’exprimer sur du papier.

Lors de ce parcours posé à même le sol, mes chaussures se sont souvent arrêtées pour mieux déguster l’étendue des talents en place. Parmi eux, restent particulièrement en mémoire les incroyables paysages de Richard Aeschlimann dont le trait charbonneux saisit à merveille les reliefs de la nature. Dans un registre totalement opposé, Jacqueline Benz trace des lignes par des points de feutre ou des croix. Une simplicité aussi déconcertante qu’efficace, à la fois graphique et militante.

Jacqueline Benz (photo de l'auteur)
Jacqueline Benz (photo de l’auteur)

L’attention se fige également sur deux œuvres abstraites féminines. Lorna Bornand utilise l’une de ses couleurs favorites pour nous aspirer dans un mouvant tourbillon de rouge, alors que Virginie Jacquier livre une pièce au relief aussi saisissant qu’élégant.

Enfin, un coup de cœur pour la démarche de Frédéric Clot dont les pointillés, que l’on imagine percés par une aiguille, créent des vides dont l’assemblage constitue une œuvre précieuse.  

Frédéric Clot (photo de l'auteur)
Frédéric Clot (photo de l’auteur)

 

 

Fragments de l’inachevé

Lieu Unique à Nantes

Du mardi au samedi de 14h à 19h

Entrée libre


Un CV en brique

Au Brésil, le traditionnel curriculum vitae quitte le papier pour l’emballage alimentaire. Quand le CV en béton devient brique. 

Un CV nouvelle génération (Samuel Profeta)
Un CV nouvelle génération (Samuel Profeta)

Indispensable dans notre vieille France,  le CV n’a pas le même caractère sacré dans toutes les cultures. S’il n’est pas un passage obligatoire dans les pays anglo-saxons, toutes les méthodes sont bonnes pour sortir du lot et attirer l’œil du recruteur. Graphisme, présentation vidéo, packaging sous forme de boite compartimentée, les candidats font parfois preuve d’une remarquable audace.

Dans notre pays, nous avons déjà vu des panneaux publicitaires de bords de routes, loués par des cadres supérieurs en mal de poste à la hauteur de leurs ambitions.

Chez l’oncle Sam, on utilise depuis des décennies les briques de lait pour afficher les visages d’enfants disparus. Quel meilleur moyen pour toucher le plus grand nombre de citoyens, que de se placer sous leurs yeux à la première heure matinale ?

Sur ce même produit, des étudiants des beaux-arts de l’université de Sao Paolo ont conçu un emballage laitier adapté à la promotion de la personne en quête de job. Sous l’impulsion de leur professeur, Samuel Profeta, ils ont créé un habillage coloré et dynamique, détaillant l’ensemble des informations sur le candidat. Sa formation, ses diplômes, son cursus professionnel…rien n’est oublié y compris les coordonnées personnelles : numéro de téléphone, adresse email, compte Twitter et profil Linkedin.

L’amusante innovation, plutôt agréable à regarder, ne s’étale pas sur le financement de ce genre d’opération. Une telle action devrait-elle être payée directement de la poche du demandeur ? Une sorte d’investissement sur l’avenir me direz-vous. Des agences en communication et/ou en coaching s’empareront-elles du phénomène ?

Au-delà de ces questions pratiques, je ressens une réelle gêne face à cette initiative, plaisante de prime abord. Nous vivons dans un monde concurrentiel et la compétition est partout. Encouragée par ce genre de promotion, elle ne ferait que creuser des inégalités entre ceux qui pourront s’offrir de tels services et les autres.

Se montrer sous son meilleur jour est une chose, s’afficher comme un canapé sur un prospectus de boite aux lettres est en une autre. Un pas de plus vers la marchandisation de l’être humain, avec son consentement qui plus est…

Et vous ? Seriez-vous prêt à vous mettre en scène à côté d’un paquet de céréales ?


Avant que les gestes ne deviennent paroles

Jusqu’au 8 novembre, la BF 15 accueille à Lyon les recherches artistico-sociologiques de Mireia c. Saladrigues. Une exposition silencieuse qui en dit long.

Le regardeur regardé...par Mireia Saladrigues
Le regardeur regardé…par Mireia Saladrigues

En vadrouille dans la capitale des Gaules, j’apprends la tenue d’une exposition atypique à la BF 15. Je quitte alors les rues pavées du Vieux Lyon pour traverser la Saône et pousser la porte du centre d’art contemporain.

Je pénètre dans une installation de Mireia c. Saladrigues, au cœur même de son travail. L’espace d’accueil, une vaste salle, a été repensé de telle sorte que le public ne soit pas qu’un simple spectateur, mais un véritable acteur au sein du lieu d’exposition. Je ne peux pas vous en dire plus, car je gâcherais tout le plaisir de la découverte ainsi que l’effet de surprise, alors si vous passez par Lyon, vous savez ce qui vous reste à faire. Ce qui est certain, c’est que les premières interrogations face à ce dispositif laissent place à une totale compréhension après le  visionnage du film projeté dans le second volet du parcours.  

Dans cette production vidéo, des danseurs rejouent des postures de visiteurs lors d’expositions. Dans une salle où les œuvres sont invisibles, les déplacements, les mimiques, les comportements diffèrent d’un regardeur à l’autre. Et ce sont ces réactions qui intéressent l’artiste catalane. Pas lourds ou légèreté du déplacement, attitude détachée ou contemplative, chaque geste est le reflet du ressenti à travers le corps. Ils sont également les traductions de modes de vies, d’habitudes, d’acquis. Quand le bagage socioculturel est confronté à l’art, cela donne forcément des réactions physiques diverses. Certains croisent les bras et froncent les sourcils tandis d’autres passent en une fraction de seconde, alors que certains se penchent, d’autres s’accroupissent…

Au bout des huit minutes du court métrage, on remet en perspective la célèbre réflexion qui veut qu’une œuvre d’art n’existe que dans les yeux du spectateur. Dans ses gestes aussi, serait-on désormais tenté d’ajouter.  

 

BF15-Lyon

 

Mireia c. Saladrigues, « Avant que les  gestes ne deviennent paroles » Jusqu’au 8/11/14 à La BF 15, 11 quai de la pêcherie à Lyon Entrée Libre


Rémi Groussin, l’exagérateur d’anomalies

En résidence cette année au domaine d’Abbadia à Hendaye, Rémi Groussin présente son travail au sein de la villa Beatrix Enea à Anglet. Intitulée « Ecran total », l’exposition y est visible jusqu’au 31 octobre. 

Rémi Groussin "Wall Over" 300x300cm (photo de l'auteur)
Rémi Groussin « Wall Over » 300x300cm (photo de l’auteur)

 

Comme d’habitude dans ce lieu, l’exposition se déroule dans les trois salles du rez-de-chaussée, un parcours en trois temps affichant des pans très variés de la pensée du plasticien.

Le premier regard est accroché par une sculpture en parpaing, une structure en quatre parties, chacune surmontée d’une crête animale. Matériau de construction peu habitué aux musées, le bloc grisâtre trouve ici des honneurs inattendus. C’est bien là que se trouve l’une des clés de la démarche du diplômé des Beaux-arts de Toulouse.  La méprise, le lapsus sont au cœur de cette salle dont les œuvres constituent des extrapolations basées sur un point de départ erroné.

A même le sol, un projecteur diffuse une courte vidéo (à quelques centimètres du plancher) ; un crépitement dans une lueur blanche, à côté duquel sont posées deux inscriptions sur panneaux de plexiglas. Là encore, l’ordre des choses n’est pas respecté. Par une faute de frappe, une inversion des rôles, la petite installation immerge le spectateur dans un brouillard matinal où les idées sont confuses.

Pour compléter le trio de cet espace, un étrange ciel est représenté sur des carrés d’aggloméré sous verres. Percée par des rivets métalliques, cette carte céleste, couleur carton, brouille les pistes. Les têtes métalliques ont-elles été disposées fidèlement, de manière à reconstituer les constellations ? Mes connaissances limitées en astronomie ne permettront pas d’élucider ce mystère.

Le parpaing anobli par Rémi Groussin (photo de l'auteur)
Le parpaing anobli par Rémi Groussin (photo de l’auteur)

Pour la suite, le visiteur est plongé dans l’obscurité. Accueilli par un aquarium contenu dans des téléviseurs cathodiques, l’ambiance est radicalement différente ici.  Face à ces obsolètes écrans disposés sur une étagère métallique, l’effet anachronique est immédiat est d’autant plus étonnant de la part d’un artiste âgé de vingt-sept ans.  Alors que d’inquiétantes sonorités résonnent, on tourne la tête vers une projection déroutante.  Points de vue inhabituels, contrepieds et contrechamps forment la matière de cette vidéo face à laquelle le regardeur a bien du mal à trouver ses repères. Si déstabiliser est la mission de cette œuvre, elle est pleinement accomplie tant l’interrogation demeure ténue à l’issue du visionnage.

La troisième vidéo est pour le moins surprenante. Elle tient en haleine pendant trois minutes. Pas moins de 180 secondes de suspension qui offre un questionnement plus riche qu’il n’y paraît. L’attente, l’attentisme et le marché de l’art y sont triturés…je n’en dis pas plus, il faut aller voir pour se faire sa propre idée.

La dernière partie du triptyque se révèle une véritable montagne russe. D’un support à l’autre, d’un matériau à l’autre, l’œil rebondit de pièce en pièce sans toujours trouver une logique d’ensemble. Sur un vaste contreplaqué peint en noir, des traces d’affiches arrachées constituent une amusante pixellisation qui peut évoquer le graphisme d’un jeu vidéo des années 1980. A ses pieds, une composition de verres brisés dont le titre « Unbreakable » fait écho au mouvement surréaliste.  En face, un géant chandelier cancérigène puis des cartes à jouer surdimensionnées sont posées sur le parquet. Au fond de la salle trône une sculpture dont les pièces sont emboitées pour former un monstre aussi grand que fragile.

C’est sur « Volcano », que je m’attarde le plus longtemps. Assemblage de quatre écrans plats, cette composition vidéo nous immisce dans un parc d’attractions désert. Le sentiment d’abandon est sublimé par les effets optiques résultants de la symétrie de l’image diffusée. La même séquence ainsi miroitée instaure un tableau mouvant dont l’esthétisme est renforcé par le souffle du dépouillement.

Rémi Groussin "Volcano" (photo de l'auteur)
Rémi Groussin « Volcano » (photo de l’auteur)

 

En quittant les lieux, on a du mal à trouver le fil conducteur dans la production de Rémi Groussin. Très diversifié, son travail repose néanmoins sur quelques idées conductrices parmi lesquelles le malentendu, la contradiction et la remise en question sont en tête.  

 « L’œuvre d’art est une idée qu’on exagère », pensait André Gide. Et quand l’assise est volontairement faussée, le trouble amplifié provoque une profonde confusion, génératrice de nombreuses interrogations sur l’ordre établi.


Street Art Requiem

Quand l’artistique s’empare de l’immobilier, de lisses parois gagnent immédiatement en relief. Avant sa fermeture définitive, le Carré de Bayonne s’est ainsi vu paré de riches ornements pour l’accompagner vers la postérité. Vous n’étiez pas à cette exposition d’adieux ? Suivez le guide. 

Niark 1 (photo de l'auteur)
Niark 1 (photo de l’auteur)

La culture semble ne plus avoir droit de cité dans le cœur de nos villes. Depuis deux décennies désormais, les cinémas ont emménagé sous les structures métalliques de zones commerçantes. Aujourd’hui les libraires et les galeries d’art ont bien du mal à se maintenir dans des rues où le prix des loyers les chasse inexorablement. Les lieux d’exposition n’échappent pas à la règle et Bayonne ne fait pas exception. Ici comme ailleurs les sirènes de la spéculation sonnent. Elles font valoir des arguments très souvent jugés imparables…

Le Carré Bonnat a vécu, un hôtel de luxe lui succédera, mais pas question d’enterrer cette entité sans lui offrir une fin de vie digne de sa réputation. Dans le prolongement du festival Black & Basque, ses organisateurs, accompagnés du collectif 9ème concept, avaient invité une vingtaine d’artistes à venir s’exprimer sur les parois du bâtiment. Le résultat de cette « Résidence avant destruction » était visible du 1er au 5 octobre dernier et restera sans aucun doute gravé dans les mémoires.

Jules Hidrot (photo de l'auteur)
Jules Hidrot (photo de l’auteur)

 

Sur les murs, des univers et des styles différents se succèdent, se côtoient, se complètent, se répondent. La visite débute par une œuvre en finesse et transparence signée Alexandre d’Alessio, dont l’élégance du trait laisse deviner un grand talent de dessinateur. Trois pas de plus et me voila devant des affiches déchirées par les mains de Landry. Une discussion avec la médiatrice plus tard, je comprends qu’il s’agit en réalité de cinq photographies XXL prises lors des funérailles de la grand-mère de l’artiste, au Bénin. Superposées les unes sur les autres, des morceaux arrachés, recollés, déplacés donnent vie à un étrange et émouvant kaléidoscope.

Landry (photo de l'auteur)
Landry (photo de l’auteur)

On poursuit la visite avec deux travaux accolés (et légèrement enchevêtrés) et pourtant si opposés. A droite, les rondeurs et sourires de joyeux poissons imaginés par Hervé Di Rosa dans un océan orange, contrastent avec la gravité et le classicisme déployé par Jean Faucheur. Ce dernier accomplit un remarquable exercice de style en exécutant sa version de la bataille d’Anghiari jadis inachevée par Léonard de Vinci dans le Palazzo Vecchio de Florence.

Jean Faucheur et Hervé Di Rosa (photo de l'auteur)
Jean Faucheur et Hervé Di Rosa (photo de l’auteur)

Le fond de la salle est occupé par une joyeuse composition-décomposition de laquelle se détache un féroce chien aux dents acérées dont le maitre est Niark 1. Son œil excité s’explique par la scène qui se déploie sur sa gauche. A cet endroit un couple de géants, plaqué par Pedro, s’étreint sans gêne aucune. Sur le ventre de l’amant (comme sur plusieurs autres œuvres) sont collées des demi-sphères de plâtres formant des phrases en braille. Leur auteur est The Blind, l’inventeur du graffiti pour non voyants.

Pedro & The Blind (photo de l'auteur)
Pedro & The Blind (photo de l’auteur)

 

La suite dévoile le don d’illustrateur de Clément Laurentin aux cotés d’une composition locale de Jules Hidrot dont le travail photographique s’est concentré sur les fenêtres bayonnaises.

L’accession à l’étage se fait par un escalier déstructuré suite aux juxtapositions géométriques de LX One. Dans le premier espace de ce second niveau, on déambule au milieu des motifs du tatoueur Veenom, d’un canidé volant d’influence asiatique produit par Jeykill, de totems d’Amérique du Nord érigés par Grems, d’une vaste fresque aux motifs tribaux projetés par les bombes de Romain Froquet, d’un lettrage étiré d’influence surréaliste apposé par Ned, et d’un cimetière. C’est face à ce lieu funéraire que je m’attarde le plus longtemps. Un vaste puzzle assemblé avec des clichés de Patxi Laskarai qui embarque le regardeur pour une intrigante promenade vers le souvenir. Complétée d’une installation conçue par Iker Valle, l’œuvre emmène une réflexion sur l’effet du temps, tant sur les matériaux que dans les mémoires. Le duo (qui n’en est pas un habituellement) déjà présent l’an passé offre ici l’une des pièces les plus profondes de l’événement.

Patxi Laskarai & Iker Valle (photo de l'auteur)
Patxi Laskarai & Iker Valle (photo de l’auteur)

Avant de pénétrer dans la dernière salle, il faut traverser un interstice végétal. Sur un sol noir et une herbe toute aussi sombre, ont poussé d’étranges plantes grimpantes. La nature a horreur du vide et elle vient combler ce recoin avec l’aide de Lapinthur pour jardinier.

Lapinthur (photo de l'auteur)
Lapinthur (photo de l’auteur)

Après cet intermède, un monde imaginaire coloré à la craie par Gilbert Mazout est arrosé par un taureau hybride modelé par Jerk 45. Lamelles de bois, peintures et autres matériaux divers structurent cet animal tricéphale. Pour leur faire face, une nébuleuse semi abstraite de Gonzalo Etxebarria ainsi qu’une riche production de Theo Lopez dont le coeur tribal laisse échapper des éclats picturaux évoquant les maîtres Miro et Kandisky. Enfin, le regard se pose sur une création de Stéphane Carricondo, l’un des trois créateurs (avec Jerk 45 et Ned) du 9ème Concept. Sur un fond bleu nuit se détachent des silhouettes amérindiennes dont certains traits ou attributs sont surexposés par de vifs coloris. Surgissent alors dans mon esprit les célèbres néons de Martial Raysse.         

Stéphane Carricondo (photo de l'auteur)
Stéphane Carricondo (photo de l’auteur)

 J’ai tout vu mais ne peux pas me résoudre à débarrasser le plancher. Prolongeant la visite au maximum, je passe et repasse, échange avec la médiation et des visiteurs. Difficile de faire ses adieux et c’est pourtant ce que nous faisons tous, artistes et spectateurs, au travers de cette exposition. L’hommage est réussi sans être solennel, sérieux tout en demeurant gai. Le genre de moment et d’initiative dont on se souviendra encore dans quelques années en pouvant dire avec fierté: « j’y étais ! ».    

 

Jerk 45 (photo de l'auteur)
Jerk 45 (photo de l’auteur)


Patricyan, sculptrice d’imaginaires

Grillage, aluminium, fil de fer… Patricyan modèle les matériaux pour composer sa sculpture lyrique et captivante. Rencontre et découverte d’une artiste à l’univers foisonnant, au sein duquel cohabitent des mondes divergents.   

Patricyan "Mue de vache" (courtoisie de l'artiste)
Patricyan « Mue de vache » (courtoisie de l’artiste)

J’ai approché l’univers de Patricyan lors de la neuvième édition de Mont de Marsan Sculptures. Au fil du parcours, je pénétrais dans un musée d’histoire naturelle au sein duquel l’artiste investissait tout un étage. Dans un environnement difficile, ses créations animales et autres curiosités dynamisaient les bêtes taxidermisées et composaient une atmosphère fascinante.

Un an plus tard, j’ai l’occasion de rencontrer la personne à l’origine de cet intrigant travail.  Pour arriver chez elle, il faut remonter l’Adour jusqu’au village basque de Guiche, puis gravir une colline au sommet de laquelle un splendide panorama sur la campagne environnante s’offre au visiteur. Devant une bâtisse du quatorzième siècle, Patricyan m’accueille, enjouée, et m’accompagne dans son atelier qui faisait jadis office d’étable.  

Moins désireuse de parler d’elle que de son œuvre, nous parcourons ses productions à la lumière de ses principales sources d’inspiration. Parmi celles-ci, elle évoque la danse dont elle est passionnée depuis l’enfance. Comme pour la sculpture, le souci primordial dans cet art gestuel est l’occupation de l’espace. Le questionnement permanent du rapport à l’environnement et aux volumes, omniprésent dans les deux disciplines, est au cœur de ses préoccupations.

Patricyan "Habitacle libre" 110x55cm (courtoisie de l'artiste)
Patricyan « Habitacle libre » 110x55cm (courtoisie de l’artiste)

 

Pour autant, il ne s’agit pas de dessiner des courbes dans le seul souci de l’esthétisme. Tout ce qu’elle conçoit se doit d’avoir un sens, un lien avec la réalité. Et la réalité première de notre monde c’est d’abord la nature. C’est en elle que la petite fille a grandi, et que la femme vit aujourd’hui. Les hommages rendus à la terre mère infusent l’œuvre de Patricyan.

Derrière les verres de ses lunettes rouges, l’œil pétillant n’est pas avare d’enthousiasme et bondit de création en création pour mieux tisser une toile invisible qui relie entre elles les productions d’une artiste en perpétuel renouvellement. Dans la série « Le bestiaire » (2008-10), elle réinterprète la sculpture animalière en imaginant des mues dont les corps se seraient échappés. Elle met en volume une histoire, racontée avec du métal, du tissu, des broderies, et divers matériaux qui forment de chatoyantes compositions poétiques,  une ode aux figures représentées tout autant qu’une invitation à stimuler l’imagination du regardeur. 

Patricyan 'Mue de cheval" (courtoisie de l'artiste)
Patricyan « Mue de cheval » (courtoisie de l’artiste)

 

Un autre thème récurrent dans l’univers de la basco-landaise est celui de la foi. Celle qui cite Jérôme Bosch, Marc Chagall mais aussi les surréalistes parmi ses influences, fut bercée par une éducation religieuse. Mais au-delà du culte chrétien, l’artiste se passionne pour toutes les formes de croyances. Religion, mythologie,  contes populaires, la prolifique les passe au moulinet de son esprit pour générer de précieuses madones, des talismans provocateurs ou d’émouvants emmaillotages affublés d’ornements à caractère rituel.    

Sans cesse en éveil et ouverte sur le monde, la sculptrice semble posséder de multiples antennes invisibles, à même de capter au vol un mot, un son, une image, une idée qui servira de matériau incorporel dans son atelier. Dans ce lieu où elle passe la majorité de son temps, Patricyan prépare une nouvelle série qui sera dévoilée lors d’une exposition en décembre à la Minoterie de Nay. En attendant, celle dont les œuvres ont voyagé jusqu’en Belgique, Italie, Lituanie, Mexique, Canada et Colombie, montrera une partie de son travail dès le mois prochain dans le cadre d’une exposition collective dans la Crypte Sainte Eugénie à Biarritz (du 25/10 au 16/11/14). L’occasion pour vous d’effectuer un premier pas dans un univers enveloppant et envoûtant.

Patricyan "Déesse rouge" 70cm (courtoise de l'artiste)
Patricyan « Déesse rouge » 70cm (courtoise de l’artiste)

 


Rioja, Coto de Imaz, Reserva 2008

La Rioja est une des meilleures régions viticoles d’Europe et la découverte du jour ne vient que confirmer cette réputation avec un vin qui a parfaitement réussi le mariage de la finesse et du caractère.

Rioja_CotoDeImaz-Reserva

 

Jamais deux sans trois ! Après vous avoir présenté un bon Muriel Crianza 2008, puis être tombé sous le charme de l’excellent Roda Reserva 2006, c’est au tour d’un autre Reserva de glisser sous mes papilles examinatrices.

Sur une terre où la culture de vignes est historique, la Bodega El Coto est relativement novice puisque fondée en 1970. Basée à Oyon, c’est sur ses champs situés à Cenicero (à 40mn de la capitale régionale Logroño) que poussent les raisins utilisés pour l’élaboration du nectar dégusté aujourd’hui.  

Profonde et sombre, sa robe intense laisse échapper de scintillants reflets rubis. Contrairement à la majorité des cépages tempranillo où le fruit rouge est généralement dominant, le nez dégage une intéressante variété aromatique avec des notes boisées, des touches épicées et même une pointe de cacao pour accompagner le fruit mûr.  

Rond en bouche, la douceur coule sous le palais et enrobe la cavité buccale d’une agréable sensation veloutée. Cette suavité se voit ensuite relevée par une note d’alcool qui, bien qu’arrivant en second plan, finit par prendre le dessus et dynamiser l’ensemble.

Dans ce subtil mélange se retrouvent les différentes composantes décelées à l’odorat qui rendent le breuvage si élégant. Un vin aromatique et charnu, savant équilibre entre acidité, rondeur et tonicité qui  trouvera grâce auprès de nombreux amateurs.

S’il s’achète facilement chez le caviste espagnol, il peut être un peu compliqué à trouver en France. Pas de panique Coto de Imaz, Reserva 2008 est référencé sur Vinissimus, le site français spécialisé dans les vins d’outre Pyrénées.