Black et Basque, bienvenue en Euskafrika
Instauré par l’humoriste originaire de la région, Jules-Edouard Moustic, le festival Black & Basque ouvre ses portes ce soir sur le site de la Poterne à Bayonne. Sa riche programmation musicale devrait offrir des moments uniques aux spectateurs avec notamment les prestations du rappeur jazzy Oxmo Puccino, l’inimitable voix de la perle haïtienne Mélissa Lavaux ou encore le retour de la star internationale originaire du Bénin, Angelique Kidjo qui sera accompagnée par une chorale basque.
Mais le menu de cet événement ne s’arrête pas à l’aspect musical et se trouve enrichi pour cette troisième édition d’une magnifique exposition gratuite et ouverte à tous les publics jusqu’au 18 septembre au Carré (rue Frédéric Bastiat à Bayonne).
Accueilli par une citation du poète antillais Aimé Césaire, les premiers pas mènent le visiteur vers un duo de têtes, l’une sculptée dans le bronze par Jorge Oteiza, l’autre creusée dans le bois par des mains dan en Côte d’Ivoire. Le pouvoir de fascination que possède chacune de ces deux œuvres se révèle totalement envoûtant par la seule juxtaposition de travaux conçus sous des latitudes pourtant fort éloignées.
C’est bien sur ce point que réside le talent des organisateurs de cette exposition qui parviennent à créer un dialogue puissant entre des pièces artistiques et artisanales toujours étalées en duo afro-basque. Le parcours ainsi conçu permet au spectateur d’appréhender des thèmes en s’immisçant dans une permanente conversation intercontinentale. Le graphisme d’un tableau sculpté par Koldobika Jauregi côtoie celui des décorations d’un bouclier congolais, les variations de rouge des pigments utilisés par Ruiz Balerdi vibrent en harmonie avec des coiffures zoulues d’Afrique du Sud, l’œuvre sombre et contrastée d’Iker Valle trouve une résonance particulière à proximité d’un masque songye…
Ce moment unique par sa richesse et sa rareté est l’occasion de pouvoir admirer de telles pièces de si près, de se laisser aspirer par les orbites de ces masques tantôt raffinés, expressifs ou effrayants, puis d’être entraîné dans le tourbillon de ce dialogue intelligemment structuré.
Les deux autres étapes de l’exposition offrent également de belles surprises. A commencer par les clichés de Philippe Guionie parti sur les traces des présences africaines en Amérique latine. Loin de se complaire dans la facilité, c’est dans la région andine que le photographe concentre son travail entre la Colombie, le Pérou, la Bolivie, le Venezuela, l’Equateur et le Chili. Dans chacune de ces contrées, l’ethnoreporter découvre des villages où vivent des communautés à la peau noire, parfois même dans l’ignorance totale de leurs concitoyens. Un périple émouvant conté au travers d’images en noir et blanc et d’un documentaire aux témoignages poignants.
Le dernier espace est occupé par le travail rafraîchissant d’une jeune artiste pensionnaire d’une maison de retraite. Chaque après-midi, celle qui signe ses fresques de « Las Pinturitas » quitte son hébergement pour personnes âgées afin de regagner un immeuble désaffecté situé de l’autre coté de la rue. Sur ces murs, elle peint des scènes colorées et joyeuses dans lesquelles sont introduits une foule de détails. De l’art brut spontané que l’on pourrait croire issu des murs de Mexico ou de Buenos Aires mais qui est réalité produit en bordure du désert des Bardenas en Navarre.
Découvertes, émotion et surprise, l’organisation de cette manifestation est une extraordinaire réussite dans le prolongement du festival Black & Basque qui n’aura jamais aussi bien porté son nom en nous ouvrant les portes d’une nouvelle contrée : l’Euskafrika, un pays imaginaire où se rencontrent les cultures du Pays basque (Euskal Herria) et de l’Afrique (Afrika).
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