Le soir où la France dansa la samba
Comme tous les soirs, mon compatriote était hier à 21 heures devant sa télévision. La main sur sa bière et les yeux rivés vers l’écran, il tournait sa langue dans sa bouche afin d’échauffer le muscle pour invectiver au mieux ses sportifs mal aimés préférés.
Quatre-vingt-dix minutes plus tard, l’heure n’est plus à la critique, mais à la joie débordante ; la France a gagné.
Un souffle d’espoir
Coup de sifflet final, les Bleus tant décriés depuis des années, ont réussi à renverser la vapeur et à se qualifier pour la Coupe du monde 2014. Inscrits par Mamadou Sakho et Karim Benzema, les buts synonymes de passeport pour Rio font oublier l’espace d’un instant le climat délétère régnant actuellement sur l’Hexagone. La lente dérive raciste ayant connu un pic la semaine dernière marque enfin une pause sous l’effet de la victoire.
Ce mardi, sur la pelouse de Saint-Denis, il n’y avait pas de racailles, de terroristes ou de singes, mais des Français revêtus d’un maillot frappé du coq. Ce que certains entendent nier au quotidien apparaît dans ces moments comme une évidence, nous sommes TOUS des citoyens français.
Petite claque aux intolérants de tout bord, notre pays peut gagner, y compris et surtout avec ses minorités.
Une euphorie éphémère
Alors il fallait bien fêter ça. Ivre de joie, mon compatriote a sauté dans les bras de son voisin pour communier autour d’un succès interprété comme celui de tout un pays, alors qu’il s’agit en réalité du travail d’un groupe de personnes sur et autour du terrain. Et ceux qui se préparaient au lynchage du onze tricolore portent les joueurs aux nues, du rang de parias à celui d’idoles.
Au diable les soucis, dans les bars, les salons et sur les réseaux sociaux, on scande à tue-tête « On va au Brésil, on va au Brésil ! ». Les joueurs oui, les citoyens… une infime marge de la population pourra vraiment se le permettre.
Le rêve n’aura duré qu’une nuit. Le lendemain, il faut travailler (ou chercher du boulot qui n’existe pas) pour payer plus d’impôts, remplir son plein d’essence à 70 euros et faire le dos rond en attendant des jours meilleurs, en attendant de vraies politiques incitatives et susceptibles de relancer un espoir durable.
Mon compatriote dit bonjour à son voisin qui vote Front national, démarre sa voiture et reprend la route vers la réalité. La parenthèse aura été de courte durée et le réveil prend des allures de gueule de bois.
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