Le jour où je reçus un message à caractère raciste
Pause médiane au bureau en compagnie de mon ordinateur. Coups de mâchoires dans mon sandwich et clics sur le mulot se succèdent et me mènent vers ma messagerie personnelle pour m’évader quelques instants de l’environnement professionnel.
Egaré au milieu de divers messages publicitaires, j’aperçois un intitulé dont l’auteur est une de mes connaissances, fort appréciée et fort appréciable. Je m’empresse d’ouvrir le courrier qui ne comporte pas la moindre prose mais uniquement une pièce jointe en format powerpoint. Double pression pour ouvrir le fichier et là, grande surprise ! Le diaporama démarre par une diapositive introductrice, se proposant de comparer la religion chrétienne à la religion musulmane. Petit rictus de scepticisme sur mon visage mais mon index appuie de nouveau afin d’éluder le doute envahissant mon esprit. Loin d’être dissipé, la crainte se confirme ; je suis face à un ramassis islamophobe, une somme d’imbécillités bêtes et méchantes dont le niveau de réflexion n’a d’équivalent que la haine inversement proportionnelle de son instigateur.
La surprise ne provient pas du contenu de ce type de propagande. Malheureusement, l’intolérance d’extrême droite a fait son chemin et ses thèses se sont grandement banalisées dans les esprits de mes concitoyens. Elle émane plutôt de l’identité de son expéditeur.
Pourquoi lui ? Pourquoi à moi ? Pourquoi maintenant ?
Cet homme que je respectais respire la convivialité et la bonne humeur. Issu de la bonne bourgeoisie provinciale, habitué à promener ses polos frappés du crocodile sur les greens du sud ouest, ses préoccupations sont à mille lieues des quartiers défavorisés où règne l’insécurité.
Intelligent et de profession libérale, rien ne prédestine ni n’explique que ce notable abonde aujourd’hui dans le sens de ces idées nauséabondes. Non seulement, ces propos emportent son adhésion mais ils sont assumés, affichés et envoyés jusqu’à moi alors qu’il sait pertinemment que ce discours ne me convient pas. A la déception succède alors un sentiment d’offense ; je me sens sali par l’idée qu’il ait pu m’imaginer « facho friendly » ou convertissable.
Mais comment en est-on arrivé là ? Comment un discours à la marge est-il désormais présent dans l’ensemble de la société française, dans toutes ses strates socioprofessionnelles et toutes ses régions ?
Il faut dire que le président de la république en poste jusqu’en 2012 a fait un travail remarquable pour instaurer au cœur du débat l’ensemble des thématiques auparavant réservées au clan Le Pen. Voile, burqa, viande halal, délinquance de quartiers, terrorisme… tout est assimilé sous les conseils de l’éminence grise Patrick Buisson, et l’idée que l’islam est cause de tous les problèmes du pays s’immisce tel un cheval de Troie pour ensuite infecter de trop nombreux esprits. Mais tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse ; en légitimant les thèses extrémistes, l’ancien chef de l’UMP n’a pas récupéré les électeurs FN, bien au contraire il a ouvert les vannes. Ceux qui se cachaient dans les années 1990 sortent du bois sans complexe dans les années 2010, voilà le résultat du travail de normalisation. Bravo M. Sarkozy, au sein de l’entreprise FN, vous méritez sans aucun doute la médaille du meilleur employé de la décennie !
Pour en revenir à ma vieille connaissance, il est évident qu’entre nous les choses ne seront plus jamais comment avant. Cependant, je ne vais pas le fuir ou le frapper la prochaine que l’on se croisera car il ne faut pas se tromper de combat ; il convient bel et bien de lutter contre les idées, et non pas contre les hommes.
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