Un édile gabonais comme les autres

Article : Un édile gabonais comme les autres
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6 janvier 2014

Un édile gabonais comme les autres

Ce qui aurait pu causer fortes polémiques et grandes discussions ailleurs s’est déroulé sans grand émoi dans le pays présidé par Ali Bongo Ondimba. Le dimanche 5 janvier 2014, le Gabonais Claude Sezalory a été élu maire de la commune d’Akanda, située au nord-est de la capitale. Pourquoi parler de cet évènement ici, tout simplement parce que le nouveau premier magistrat de cette ville a la peau blanche, ce qui semble constituer une première dans ce pays d’Afrique équatoriale. 

Claude Sezaroly, le nouveau maire d'Akanda (Koaci.com)
Claude Sezaroly, le nouveau maire d’Akanda au Gabon (Koaci.com)

La peau blanche oui, mais le cœur bel et bien gabonais. Comme il le dit sur le site Africatime : « Je suis Français de naissance, mais je suis Gabonais d’âme et d’esprit (…) je suis arrivé avec mes parents au début des années 1950, j’ai fait toute ma vie ici ».  

En effet, l’homme qui a débarqué dans le pays à l’âge de sept ans y a accompli ensuite toute sa scolarité ainsi que sa carrière professionnelle devenant agent et promoteur immobilier influent dans la région.

La municipalité nouvelle-née entre donc dans les annales avec ce maire dont les priorités sont notamment l’aménagement des voiries, la construction du plus grand et plus beau marché d’Afrique centrale ainsi que la construction d’écoles, de dispensaires et de parcs pour enfants. 

Dans ce pays d’un million et demi d’habitants plus vaste que le Royaume-Uni, cette élection ne déclenche pas de vagues de critiques ou de commentaires démesurés ou nauséabonds comme on pourrait les lire ou les entendre en France dans d’autres circonstances. Sans doute, l’étiquette PDG (Parti démocratique gabonais, le parti au pouvoir) a aidé la liste de M. Sezalory à conquérir le pouvoir avec 58 % de votes obtenus. La localisation constitue également un paramètre puisque la commune rassemble les quartiers riches du nord de Libreville et le Cap Estuarias, avec vraisemblablement une population aisée peut-être plus réceptive à ce type de différence et tout simplement sensible à son appartenance au monde des affaires. 

André Guillabert, ancien maire de Saint Louis au Sénégal (site de la ville de St Louis)
André Guillabert, ancien maire de Saint-Louis au Sénégal (site de la ville de Saint-Louis)

Nouveauté au Gabon, un tel fait s’est pourtant déjà produit en Afrique subsaharienne.  Sur le continent où plusieurs premières dames sont d’origines françaises, d’autres exemples d’élus à la peau claire existent.

Au Sénégal, André Guillabert fut maire de Louga puis de sa ville de naissance, Saint-Louis. Cet avocat diplomate et proche de Jacques Chirac s’est vu confier les rênes de la représentation extérieure de son pays en devenant ambassadeur puis (très brièvement) ministre des Affaires étrangères du Sénégal.

De nos jours, on trouve aussi une femme aux commandes de la ville d’Akono au Cameroun. Originaire de Valenciennes, cette veuve très impliquée dans la vie locale depuis longtemps gère les affaires de cette commune de prés de 20 000 âmes située à 60 km de Yaoundé.

Enfin, encore plus original et plus exotique, on a vu une Chinoise de naissance se présenter aux élections législatives de novembre dernier au Mali. Astan Coulibaly ou Yu Hong Wei n’a récolté que 6,58 % des suffrages dans la circonscription de Segou où elle se portait candidate, mais elle représente à mes yeux un beau symbole des effets positifs (car il y en a beaucoup !) de la mondialisation.

 

Parce que la couleur de peau ne fait pas le citoyen, elle ne préjuge pas non plus de la qualité d’un élu. Les Gabonais nous livrent à travers cet exemple une expression de tolérance dont beaucoup gagneraient à s’inspirer. 

Ya Hong Wei dite Astan Coulibaly au Mali (Bamada.net)
Ya Hong Wei dite Astan Coulibaly au Mali (Bamada.net)
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Commentaires

serge
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incroyable, je n'avais pas vu cette info dans d'autres médias. et j'ignorais qu'au cameroun il y avait une "française" à la direction d'une mairie ....
Des exemples d'intégration, d'humilité et de tolérance

Yanik
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Incroyable mais vrai mon cher Serge!
Une telle information ayant éveillé ma curiosité, j'ai creusé un peu pour vous livrer ce petit papier.

William Bayiha
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En réalité, les accusations d'intolérance qui pleuvent sur nos pays doivent à travers ces exemples nous édifier et nous permettre de mesurer nos positions. Au Cameroun notamment, la notion d'étranger existe mais elle n'a sans doute pas le même sens que partout. S'il est facile de reconnaître un caucasien, il y a des "blancs" qui sont à proprement parler d'origine camerounaise : les Arabes Choas. Mais à côté il y a des populations soudaniennes comme au Tchad ou au Mali, il y a des foulbés (Peuls) comme en Afrique de l'Ouest, il y des populations dites semis-bantous tels que les Bamilékés qui ne sont pas loin des populations de la Baie du Biafra au Nigéria. Et maintenant il y a des Bantous juste qu'en Afrique du Sud et les pygmées comme dans toutes les pays d'Afrique équatoriale.
Il faut aussi savoir qu'il y a des populations arabisées, des populations occidentalisées, des populations métissées dans la langue et dans les habitudes.
Le Camerounais de ce point de vue est obligé d'être tolérant parce qu'il ne peut valablement pas savoir qui est étranger. La discrimination par le faciès, l'intonation de la voix, la texture des cheveux est des plus ardues.

Yanik
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Bonjour William et merci pour ton riche commentaire qui souligne la délicate question de l'identité en Afrique.

pascaline
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C'est interressant de lire ça alors que je viens de lire un papier Assez choquant sur "les petits blancs" qui seraient laissés pour compte des politiques de discrimination positive en France. Et je suis resté etonnée qur quelqu'un ai pu encore écrire ça en 2014! Je vais me.faire l'avocat du diable mais ne peut on pas voir pour le cas de Saint Louis, ancienne capitale coloniale, des reliquats de Cette époque là?! Pour le "jeune homme" gabonais dont tu as parlé rien.ne nous le laisse penser cependant. Beau travail.en tout cas!

Yanik
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Salut Pascaline et merci d'être passée sur le blog! Ton commentaire me fait vraiment plaisir.
Malheureusement le genre de bêtises auxquelles tu fais allusion ont tendance à se diffuser dans l'ensemble de la société française et ce discours s'entend de plus en plus dans les conversations de bistrot.

Nanou
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c'est ainsi que devraient fonctionner les sociétés dans le monde!
Si vous permettez,j'aimerais juste apporter un petit apport : Henri Guillabert est Sénégalais car il est né à Saint-Louis du Sénégal mais aussi de part son ascendance métisse, du côté paternel. Il est issu de familles de Signares et de négociants français. Par ailleurs il est vrai que dans les gouvernements du Sénégal, sous la présidence de L.S.Senghor et d'Abdou Diouf,il y'a des hommes d'Etat d'origine Européenne et nés en Europe comme André Peytavin qui fut ministre des finances, Jean Colin,qui fut maire, député et plusieurs fois ministre.. Actuellement, sous la Présidence de Macky Sall, Haidar El Ali est ministre de la pêche et des affaires maritimes. Il est né au Sénégal et est d'origine Libanaise.
Merci.

Yanik
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Bonjour Nanou et merci pour ces précisions ainsi que ces intéressants compléments d'information.

MOSES BUSHIRI
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Je viens de vous lire depuis la Grande-Bretagne et je trouve tres interessant ce changement de mentalite de la part des africains. Nous, africains, devenons facilement europeens par ici et, d'autres progressent bien en politique en France, Belgique ou encore en Suisse, mais pourquoi cela pose probleme en Afrique quand il s'agit d'un europeen de peau blanche? Heureusement que certains pays commencent a beneficier de ce manque a gagner. Tres recemment, un Ecossais d'origine vient d'etre elu depute en Ouganda. Chose interessante, cet homme a deja honnore une grande partie de son programme pour lequel il a ete elu. La mondialisation, c'est aussi accepter l'autre.

Yanik
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Bonjour Moses et merci pour ton commentaire rédigé depuis le Royaume Uni.
La mondialisation facilite les rencontres et les mélanges de culture, à condition toutefois d'être ouvert à la différence!

HANSALIVEY Adams
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ceux qui ne croient pas à la diversité humaine n'amdettent pas ce genre de faits; or, la peau humaine n'est rien d'autre que la défense de sa nature humaine, comme un amnteau couvrant le corps, malheureusement la colonisation a beaucoup chosifié les choses sur la nature humainen surtout pour les Noirs africains ayant subi la traite négrière; d'où le strates de nos vies humaines, de nos jugements négatifs; n'a-ton pas vu humilier une Ministre de la justice française, Maadame TAUBIRA, alors qu'elle sans pour cent française d'origine peut-on dire guayanaise, pour la seule raison qu'elle est Noire et comparée à une guénon, comme Madame Kiengé de la RDC, Minitre en Italie, qui a subie ces avatars d'injures. C'est dire que cela ne peut se passer qu'en Europe, qui humilie les autres Humains. Voilà et voilà un exemple de tolérance au Gabon; mais cet homme entré en Afrique depuis 1950 avec ses parents n'a plus objectivement des racines en France, puisqu'il a vieilli en Afrique et au Gabon.

Yanik
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Bonjour Adams et merci pour votre apport.
Cet exemple me parait être un beau symbole de tolérance en écho aux comportements honteux exprimés à l'encontre des personnalités citées dans votre commentaire.

Citoyen
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Très heureux de voir que les mentalités changent.

Je ne veux pas être négatif, mais je pense qu'il reste encore beaucoup à faire dans ce sens. A commencer par les africains entre eux même. L'exemple du conflit ivoirien n'est plus à rappeler (Tous le monde connait l'origine).
Je suis d'origine béninoise né et grandi à Niamey où résidé toute ma famille. J'ai effectué la demande de nationalité à 2 reprises en vain.
Arrivé en France, en moins de 5 ans j'ai obtenu la nationalité Française. Jugez par vous même le chemin à parcourir pour l'Afrique. J'espère qu'on y arrivera un jour !!!

Yanik
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Bonjour Citoyen,
En ces temps où certaines sociétés ont tendance à se replier sur elles-mêmes, un tel exemple nous démontre que les choses peuvent et doivent continuer à évoluer dans le bon sens.
Voici un beau symbole de tolérance et d'espoir!

BRISSET-GUIBERT
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Petite erreur: ce n'est pas le premier cas au Gabon. Mme PIRAUBE fut maire de Port-Gentil jusqu'en 1963.

Yanik
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En effet, Mme Jeanne Piraube fut maire de Port-Gentil de 1956 à 1963 mais on peut considérer cela comme la continuité de la période coloniale puisque le Gabon a obtenu son indépendance en 1960.

Berliniquais
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Salut Yanik,

C’est un papier super intéressant! Je ne connaissais pas du tout le sujet. Merci beaucoup pour cet article fouillé et très instructif. Cela dit, il y a une chose qui m’étonne dans ton propos (voire me choque un peu): que cette élection déclencherait en France des vagues de commentaires démesurés ou nauséabonds. Je ne comprends pas trop là... tu fais allusion à l’élection de la dernière Miss France et de quelques commentaires racistes qui ont suivi sur Facebook et Twitter? C’est vrai que certaines choses étaient choquantes, mais je crois que c’était vraiment une toute petite minorité dont la voix porte à cause des réseaux sociaux.

S’il s’agit de l’élection de maires, là je ne peux pas être d’accord avec toi. La France métropolitaine a déjà connu plusieurs maires et députés noirs, parfois même avant la 2ème guerre mondiale. Par exemple, la ville de François Fillon, Sablé-sur-Sarthe, avait un maire noir martiniquais avant la guerre, Raphaël Élizé, déporté à Buchenwald par les nazis et mort en déportation. Bien sûr ces dernières années les exemples se sont multipliés.

Enfin cela n’est qu’une petite critique mais sinon je trouve ton billet sincèrement passionnant et très instructif. Je suis bien d’accord avec les commentaires.

Yanik
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Salut Berliniquais et merci pour ton apport dans cet intéressant fil de commentaires.

Bien sûr, la tradition d'accueil et de tolérance de la France nous offre de multiples exemples d'élus d'origines étrangères. Le premier qui me vient à l'esprit est celui du franco-togolais Kofi Yamgnane qui fut, entre autres fonctions, maire d'un village breton pendant douze ans.
Cette tradition est cependant largement écornée par une certaine dérive raciste qui touche une partie non négligeable de la population française, dérive qui se trouve démultipliée par une libéralisation de la parole sans précedent depuis environ deux ou trois ans. Cela a débouché notamment sur les inadmissibles affronts à l'encontre de Mme Taubira.

C'est ce glissement sur cette pente sablonneuse qui a induit ces quelques mots auxquels tu n'adhéres pas mais que je maintiens bel et bien. ;-)

A bientôt!

pascaline
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Voici une analyse sur l'utilisation récente du terme "blanc" en France et ce qu'elle recouvre, qui pourrait t'intéresser https://www.dailymotion.com/video/x182q5u_thierry-leclere-de-quelle-couleur-sont-les-blancs_news

Yanik
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Merci Pascaline pour ce lien intéressant.
Les propos de cet auteur ne font que confirmer un certain nombre de mes pensées. Pour cela j'avais totalement rejeté l'idée de titrer mon papier avec ce terme.
Je constate par ailleurs qu'il date son retour sur la place publique à environ cinq ans, époque si je ne m'abuse, où fut jeté en pature le sinistre débat sur l'identité nationale.